Le « deal » était d’ouvrir la course et de rester en tête. Vu
l’expérience de l’an dernier, c’était faisable, tout dépendait de notre état de
fraîcheur après le marathon. La remontée de l’an dernier nous avait cassés.
Cette année nous sommes en tête. A nous à gérer le machin.
Nous devrons rester en tête coûte que coûte. L’inconnue étant mon état physique
puisque je n’ai aucun entraînement. Comment est-il possible de faire plus de 7h
d’endurances sans entraînement ? On va voir si le mental est si fort que
çà.
Nous
partons donc en tête, Christian, Nicolas et moi accompagnés de Thierry notre
assistance en vélo. Cet âne a voulu s’entraîner, il s’est blessé, bien fait
pour lui.
Le
départ est en fanfare, si, si c’est vrai ! Le défilé traverse Millau
doucement au son de la Fanfare municipale, suivit des Trottinettes et derrière,
la meute. Ligne de départ. Nous nous mettons une centaine de mètres devant et
poum ! C’est parti. Léger faux plat descendant, nous partons à 18 km/h
sans forcer, quand arrivant devant un passage à niveau, il se baisse en
sonnant. Nous nous arrêtons en riant. Ils sont fort à l’organisation, négocier
avec la SNCF pour avoir un second départ, c’est balèze non ? Une seule
loco passe à fond, les barrières se ré-ouvrent, la meute est en train
d’arriver, nous relançons et reprenons notre avance. Ouf !
La route est toute à nous, il fait beau, nous poussons tranquillement
à 15-18 km/h. On discute, on regarde le paysage, c’est une belle ballade plus
qu’une course. Thierry fait le point régulièrement pour calculer notre avance.
Nous maintenons 5 à 10 minutes suivant les zones. Le passage difficile du semi
avec une énorme côte courte mais raide se fait en poussant, je me lance, passe
Nico et Christian, je suis en pleine forme et pousse comme un fou jusqu’au
sommet. Ouf. Petite récup en les attendant. En bas les premiers coureurs
arrivent (on est sur une hauteur). Hop,
on repart vers Millau par une route vallonnée. Grandes descentes, petites
côtes, tout est « poussable ».
Au jeu des côtes, je passe en tête puis me fais « pourrir » par Christian et Nico dans les descentes. La
différence de poids est flagrante. Je suis dans la catégorie lêger et je ne
peux rien y faire. Ils me mettent, 10, 20, 30 mètres dans la vue très
rapidement et grâce à l’inertie sont encore en position de recherche de vitesse
sur le plat alors que moi j’ai déjà repris la poussée. Bou-ou que je suis
triste. Christian prend même un bon 60 km/h dans ces portions ! Thierry a
parfois du mal pour nous suivre à vélo. Il met du temps pour pouvoir revenir à
notre niveau. Vers le trentième kilomètre, Nico subit sa première crampe. Il la
gère doucement et en faisant attention, il repart tout doux. Elle n’évolue pas.
Pour ma part, je suis super bien. Nous finissons le Marathon en 2h33’ en super
forme. Pas de crampes en vue, pas très fatigué, la suite est de bonne augure.
Vu mon entraînement des derniers mois, je ne comprends pas comment je suis dans
cet état…. Christian est aux anges, lui qui en a chié la semaine précédente sur
un semi, viens de boucler son premier marathon et qui plus est en forme !
Nous repartons vers Saint Affrique cette fois pour un
aller-retour. Première côte, celle de Creisseil sous le Viaduc. On ne cherche
pas à tenter quoi que ce soit et mettons pied à terre dès le début. 7% sur 1,2
km tout droit sous la chaleur (ça cogne
aujourd’hui !). Mes premières crampes arrivent dans la côte. J’ai du
mal à marcher. Je m’arrête un peu pour me réhydrater, prendre un gel, m’étirer
et repart sans trop perdre de temps. Ce sera douloureux mais gérable jusqu’au
sommet. Le chrono marque alors 3h. Cette fois c’est au tour de mes deux
compères de m’attendre ils ont pu se reposer un peu. Le premier coureur passe
alors devant nous. Quoi ? Déjà ? On ravitaille et on repart sur la
longue descente vers St Georges. 50/55 km/h pendant 10 minutes avec la route
toute à nous, un grand moment. Je suis accroupi sur la planche et profite des
sensations de vitesse au ras du sol. Très grisant. Nous remontons la route
monotone vers St Rome (en très léger faux
plat montant) à 15 km/h de moyenne tranquillement. Arrêt aux
ravitaillements, plein de bananes et pain d’épices. J’essaye un régime
préconisé par Christian. Au ravitaillement du Coca et pendant la course sur la
bécane de l’eau pure.
La côte de Tiergues. La célèbre et destructrice. Celle
où la course bascule dans un sens comme dans l’autre (au retour). Nous mettons pied à terre et reprenons notre marche
forcée. Mes crampes reviennent et re-belote je m’arrête, m’étire, bois, etc …
je marche lentement, je n’arrive pas à maintenir un rythme de forçat, j’ai trop
mal. Mes compères sont loin devant, ils disparaissent. Le premier coureur nous
repasse. C’est quoi cet extra-terrestre ? J’ai toujours mes douleurs mais
j’arrive à les gérer sans trop de problème. Une zone un peu moins pentue se
profile après le virage en épingle. Je tente une poussée. Juste une pour voir.
Pas de douleurs, j’avance plus vite. Une deuxième, toujours aucune réaction
musculaire. Paradoxalement, j’ai moins mal en poussant qu’en marchant !!
Je continu tout doucement à pousser et rattrape mes camarades petit à petit.
J’arrive en même temps qu’eux au sommet. Mes crampes vont mieux. Chrono à 4h45’.
Ouf. Ravitaillement et Gaz !! Plein pot vers St affrique pour 6 km de
descente majestueuse. Pendant 10 grosses minutes nous allons descendre à 55/60
km/h au ras du sol (toujours accroupis
pour moi). L’impression d’être sur une luge de vitesse, le sol qui défile
sous les pieds à cette vitesse, la large route pour soi tout seul, les
trajectoires sont choisit comme on veut, c’est sublime.
Arrêt ravitaillement à St Affrique. On refait le plein
de banane, pain d’épices, eau. Je hurle « J’en ai marre, je rentre à Millau !!» sous les éclats de rire
de tout le monde. Un verre de Coca et ça repart. Nous reprenons la côte de
Tiergues en marchant doucement. Les crampes sont là mais ne dégénères pas. Nous
passons devant le panneau publicitaire ou l’an dernier avec Thierry nous sommes
restés longtemps à nous étirer tellement nous avions mal. Là on passe
tranquille. Un motard de la gendarmerie (ils
sont trois dédiés à la course) reste un moment avec moi. Nous discutons
Trottinette et moto (en tant que BMiste,
on a un sujet de discussion en commun). Thierry a du mal avec son vélo, lui
aussi à des crampes. Plus habitué à monter cet engin bizarre (selle, pédales, beurk…) les muscles hurlent
et se nouent. Christian et Nico sont devant et marchent bon train. Je suis à la
traîne mais ça va. Le premier coureur nous repasse. Décidément, çà devient une habitude !
Je repère une portion où la côte devient légèrement moins pentue et je tente
une poussée. Ca tiens. Une deuxième, ça tiens toujours. Je remonte lentement
vers mes camarades, les doubles et reviens vers le premier coureur. Je le
passe, puis m’arrête pour me reposer les muscles, étirements, ravito. Il me
repasse, je le repasse et finalement à ce petit jeu j’arrive au sommet en
poussant tranquillement sans être totalement détruit à l’arrivée. Avec l’avance
que j’ai sur Thierry, Nico et Christian, je me ravitaille (à la bière !), m’éponge (il
fait toujours très chaud) et me remet en forme pour la suite. L’an dernier
j’ai monté cette côte en 1h10 dans un état lamentable, cette année 45’ en
meilleur état.
La troupe réunit et requinquée, nous repartons. Dans
nos têtes la course est terminée. C’était la vraie grosse dernière difficulté.
La dernière côte sous le viaduc pourra être marchée s’il le faut, mais vu notre
temps et notre état, rien ne peut nous arriver (sauf incident technique). Lors de la descente, nous croisons la
meute des coureurs avec le meneur d’allure des 10h. Nous rattrapons le premier
coureur qui … marche. Aïe, qu’est ce qu’il se passe ? Les kilomètres
monotones en faux plat descendant cette fois ci se déroulent à 18km/h de
moyenne tout doux. Nous sommes avec des cyclistes, nous accélérons par moment
pour nous amuser, c’est paisible et on avance fort ! D’après nos calculs,
le premier coureur ne peut plus nous rattraper, même si on marche toute la
dernière côte. Nous apprenons d’ailleurs qu’il vient de craquer. Trop de
crampes. C’est le second qui était 20’ derrière lui qui passe en tête. Nous
sommes tranquilles. Dans nos têtes c’est déjà pari gagné. La dernière cote de
Creissels pointe son nez. Il fait toujours très chaud. Pied à terre, je la marche
jusqu’au bout, les crampes sont toujours là se déclenchant plus ou moins. J’en
profite pour passer quelques coups de fil pendant ma marche. Le chrono est à 6h35’
pendant la montée. Mes compères sont devant et m’attendent au sommet.
Ravitaillement, pipi et prêt pour la tentative de record de vitesse. Nous
sommes devant la route à 7%, droite, dégagée, il n’y a plus qu’à se laisser
glisser. Christian prend immédiatement la tête, suivi de Nico et de moi. Thierry
ne pourra pas nous suivre avec son VTT. Nous serons trop rapide ….
Accroupis sur la planche, en équilibre sur la pointe
des pieds, recroquevillé sur moi-même, je coince le cadre avec mes genoux pour
plus de stabilité. Nico ne peux pas se mettre dans cette position (trop grand l’animal). Il opte pour la
position plongeante avec le torse sur le guidon, mais pas trop quand même.
Résultat, ma position aérodynamique compense ma différence de poids avec lui.
Accentué par sa position pas très aérodynamique. Je suis donc dans sa roue
pendant toute la descente. Je me décale légèrement de coté chaque fois qu’il
bouge, me remet dans sa roue pour chercher l’aspiration. Imaginez la scène :
Deux Trottinettes à plus de 70 km/h à deux mètres de distance l’un de l’autre,
le second cherchant à doubler le premier. C’est très chaud….. Autant vous dite
que coté sensations, c’est carrément de la F1 !!
Nous
passons devant un panneau de limitation de vitesse à 70 (ou sont les radars ?) et en bas de la côte un gendarme nous
fait des grands signes pour nous signifier de ralentir, nous arrivons trop
vite !! ha, ha, ha !! Grand pied !!
En bas on dégaine les GPS des sacs. Christian pointe un
75 km/h, quand à moi, 72,4. Record battu !! Et en excès de vitesse (panneau 70) qui plus est, mais que fais
la police ?
Après cet exploit, nous rentrons tranquillement vers
Millau. Regroupement au kilomètre 99 et nous finissons le dernier kilomètre de
front. L’an dernier je souffrais le martyr à cet endroit. Là, impeccable. Nous
passons la ligne d’arrivée en 7h33’ tous les trois ensemble. Pari gagné !!
Le
GPS annonce un temps de roulage 6h56, temps d’arrêts 45’. Moyenne globale 13,6
km ; maxi atteint 72,4 km/h (record
perso à ce jour) distance 101 km, dénivelé cumulé positif 900m.
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