Jeudi 5 août
Nous sommes arrivés hier soir
avec les filles. Il a plu à partir d’une heure du mat. Éclairs, tonnerre,
grosse pluie, bref, le pied sous la tente. De plus, à 5h alors que je pensais
m’endormir, 3 coqs se mettent à annoncer le levé du jour. Je mets le nez hors
de la tente, sous la pluie. Il fait froid. Brrr. Et dire qu’on doit avoir une
épreuve de sprint cet aprèm… Toute la bande est là. Philippe avec sa file est
venu de Frontignan. Son camion trône au milieu de notre campement avec son
drapeau français géant. Thierry est venu avec Femme et enfant armée de sa
superbe BCS et de sa Gravity de descente qui fera le bonheur d’un Américain qui
voulait en acheter 12 ! Voilà pour le Team-Trotbike dont je fais partie.
Les Lyonnais sont là avec Christophe notre grand gourou venu avec femme et
meute d’enfant, Seb également en famille, Josselin qui lui carrément vient avec
son bébé Clara. Le plus jeune concurrent du plateau ? Jeff viendra le sur
lendemain avec madame pour participer au 37Km. En attendant il bosse lui. Et
pour finir Luc et Carol nos deux champions qui sont là pour mettre à mal la
suprématie nordique.
La pluie va durer encore
toute la matinée. L’organisation est confiante pour l’après-midi. Après tout
ils sont chez eux, mais moi les gros nuages noirs je ne les voyais pas partir.
Hé ben si. Ils sont
partis ! Ils nous ont laissés tranquille à partir de 12h. On déjeune tôt
et l’on part vers le stade.
On commence par l’épreuve de
sprint. Elle se situe sur une piste d’athlétisme. Le jeu est simple :
Départ arrêté, et un tour de piste de 400m. Il y a déjà un public nombreux. Mon
résultat sera de 55’49. Je me classe 21/26 (vétérans
homme). Le meilleur de la série des vétérans sera Hannu en 46’87. Nous
passons un par un toute les 30’’ de manière à attendre le moins possibles (130 compétiteurs quand même). Sur les
26, les 16 premiers sont sélectionnés pour les ¼ de finales. Là, c’est un duel.
Les concurrents partent 4 par 4, le dernier est éliminé. Très impressionnants. On est aux premières
loges pour assister à des runs mémorables et apprécier les différentes montes
des machines ainsi que les techniques de poussée. Comme à Lyon, les 3 quart des
machines sont des Kickbike, suivent quelques BCS (nous sommes en Italie), des Ketam, Kotska et prototypes à grandes
roues. Il y a même une KBike, modèle tchèque à roue de 12 pouces piloté par un
Slovaque (Il ira plus vite que moi le
bougre, comme quoi la taille des roues …).
Puis viennent les
Demi-finales et finales. Ces deux dernières épreuves seront après le repas
servit sur place (bizarre non ?).
Il est 20h et je m’endors à table. Mes filles idem. Manon s’est « arrachée » en signant un chrono de
59’’ et Lou a fait 4 tours de pistes à fond. Elles sont épuisées. Tant pis pour
les dernières courses, je ramène ma troupe, une bonne douche (au milieu d’une nuée de moustiques !!)
et nous filons au lit, je suis mort de fatigue. La nuit et la discutions
des coqs du matin m’ont détruit.
Vendredi 6
Août
5h, le coq prévient ses potes
« hé les gars, c’est le
matin !! » « Quoi ? » « C’est le
matin ! » « Je préviens Giovanni, hé gio !, c’est le
matin ! » « quoi ? » etc … Bref, les coqs
cocoricotent à bloc et moi à défaut de posséder une arme à feu afin d’assurer
le repas de midi (coqs au vin), je me
lève. Lentement surgissent des tentes mes compagnons d’infortunes. La matinée
se passe en papotage, essais des machines, modifications en vue des courses et
commentaires de celle de la veille. On rencontre nos homologues étrangers et
partageons nos expériences.
Nous nous déplaçons vers le
sud à une dizaine de km de notre camp de base. Le « Continental Circus » des Trots envahi le petit village de
Strambino. Ici, nous aurons les 15 Km et l’épreuve tant attendue et redoutée :
le Relai. Manon participant aux 15 Km, je lui laisse la KB Racer et j’équipe ma
Xh en route. Roue slick à l’avant, fourche bloquée en position basse, roue de
18 pouces de KB à l’arrière. Le frein arrière ne pouvant pas passer, je le
sacrifie pour l’épreuve. J’ai un super frein avant, ça devrait faire l’affaire.
Je pars donc avec une machine presque aussi basse qu’un KB normal, mais avec
quelques kg en plus. Pas grave. Pour prendre en main la nouvelle configuration
de mon destrier et « chauffer »
un peu Manon, nous nous baladons dans la vieille ville. Typiquement Italie
profonde : Petite rue pavés, arrières cours avec le linge qui pend aux
fenêtres, une église ou une chapelle dans chaque rue et au détour d’une impasse
une magnifique demeure avec grille en fer et statue de lions en pierre pour
garder l’entrée. On se croirait dans le film « Le parrain » de Coppolla. On s’attend à ce qu’une Limousine
transportant le clan Corléone surgisse de derrière l’imposant portail.
Le départ est donné sur la
place de l’église principale sur des pavés. En première ligne sont placés les
élites(dont Luc), derrière c’est le
bon peuple (moi et mes potes), puis
vienne les filles. Top c’est parti ! Nous attaquons par une route plate et
droite de 2,5km. Comme d’hab je suis immédiatement dans les 5 derniers. Devant
ça cravache sévère, je les vois s’éloigner de plus en plus. Décidément nous ne
sommes pas de la même planète.
Je pars sur mon rythme habituel,
il fait très chaud mais j’ai connu pire. On sort de la grande route par une
petite côte dans un village. Je double deux ou trois concurrents dans la côte.
Certains ont déjà mis pied-à-terre. C’est vrai que ça monte velu ! Nous attaquons ensuite une petite route dans
la campagne vallonnée. Pas mal d’ombre, ça tourne beaucoup, ça monte, ça
descend, cette promenade bucolique va durer 4,5km. Enfin je dis bucolique,
c’est pour le paysage parce qu’à l’intérieur de la course, on a très chaud. Je
pense à m’hydrater régulièrement. J’aime la chaleur, j’espère qu’elle va
m’aider à éliminer la concurrence. Dès le début de la portion, je rattrape Philippe
qui est en train littéralement d’exploser. En le doublant lentement il me dit
qu’il n’en peut plus, qu’il arrête… (Il
se reposera à l’ombre et repartira quelques minutes plus tard plus frais).
C’est le moment où les premières féminines me doublent à fond. Je les entends
se rapprocher en tapant le sol. C’est hallucinant de les voir passer comme ça.
Carole est à la poursuite des premières. Elle suit leur rythme. La ballade et
le paysage sont sympas. De jolies maisons typiques jalonnent le parcours, à chaque
carrefour ou au sommet d’une côte, une foule est présente pour nous encourager.
Et c’est vrai que dans une côte où les gens vous hurlent « Forza, Forza !! », on se sent
pousser des ailes. Je commence à rattraper Christophe, je me rapproche de lui à
chaque bosse. Il se retourne souvent et maintient son avance. Il a bien vu
qu’il était pourchassé. Mais les premières descentes arrivent à je ne peux pas
lutter avec 20 Kg d’écart…
Une ligne droite de plusieurs
kilomètres en descente va sonner le glas de ma poursuite. Christophe disparaît
à vive allure au loin, je ne le reverrai jamais. Je me fais doubler par tous
les « lourds » que j’ai
passés dans les côtes. Allongé sur le guidon à plus de 50 Km/h, je me fais
doubler régulièrement. J’enrage : « C’est trop injuste !!, c’est leur poids qui les faits gagner, pas
leur physique !! c’est dégueulasse !! » Avec mes 65 Kg,
qu’est ce que tu veux que je fasse… Je n’ai pas assez marqué l’écart dans les
premières côtes, je le paye maintenant. Comme ce concurrent de 120 Kg qui a
marché toutes les côtes et me double maintenant comme une fusée. Revenu sur le
plat, je reprends ma poussée alors que lui est encore sur l’inertie et continu
sur son élan. Je finis par le rattraper, il reste dans ma roue. Avec son
surpoids, et mon physique de fondeur, je devrais le pourrir sur le plat !!
Sauf que, dans les 120 KG, il y a aussi
du muscle, et son ventre proéminent de buveur de bière cache trois poumons et
deux cœurs. Ce gars à une « caisse »
énorme et lentement il va se détacher, je le vois disparaître au loin, je ne
peux pas revenir. Impossible d’aller plus vite. Je ne suis pas mécontent coté
musculaire, je n’ai aucune crampe. Pas l’ombre d’un début. J’ai ma tendinite au
genou droit qui commence à se réveiller. La douleur ne me gène pas trop pour la
poussée. Par contre après course se sera très douloureux. En attendant je
rentre dans le village et je regarde ma fourche. Elle paraît bizarre… Toujours
bloquée mais on dirait qu’elle est plus haute ! Depuis un moment elle est
remontée lentement ! Diantre ! Je pousse en position haute, tu
m’étonnes que je fatigue ! J’arrête et replonge en bloquant l’avant. Je
regagne 3cm. C’est beaucoup mieux ! Je repars et franchis la ligne
d’arrivée sous les hourras du fan club de l’équipe de France et de la foule
massée là.
Les données GPS à l’arrivée sont : 14,9km de
trajet. Durée 42’09, Vitesse max : 57,2. Moyenne 21,02.
Je me classe 23/26 en vétéran homme et 94/120 au
général.
Manon en 48’30 à 19,174 de moyenne.(4/5 en cadette et 117/120 au général)
Le premier (Kai
Immonen) finira en 30’05 à 29,94 de moyenne !!
Le relais :
Disons le tout net, c’est un
truc de fou. Le circuit est une boucle de 500mètres composée comme suit :
Départ en descente 100 mètres à -10%, puis demi tour par un long virage à
droite, remontée de la précédente descente (donc
100m à +10%), léger plat d’une cinquantaine de mètres, long virage à droite
sur les pavés (ça
gliiiisssseeeeeuuuu !!!), on passe l’arrivée et on replonge dans la
descente, etc… Le changement de pilote (3
par équipe) se fait sur le plat juste en haut de la côte. L’exercice va
s’avérer extrêmement épuisant. Les changements étant libre, nous avons opté
pour 2 ou 3 tours chacun, de toute façon le relayeur se tenant prêt au cas où
au premier tour le collègue est épuisé…
Je démarre les hostilités,
nous sommes 19 pousseurs qui partent à fond. Ca pousse très fort. Je fais deux
tours mais dès le début du deuxième je suis mort, plus de jus. La côte est horrible
à monter, je me fais doubler par des cinglés qui sprintent comme des malades.
Imaginez la chose suivante : Vous courrez à fond 1’30 (mais vraiment à bloc hein ?, pas d’histoire,
je parle là de sprint ! le genre de truc où il vaut mieux ne pas avoir de
cardio sinon il va bipper une alarme tout le long), vous vous arrêtez 2’30
et vous recommencez le tout pendant une demi-heure. Un bon petit exercice de
fractionné. Au bout d’un certain temps, on arrive plus à récupérer et on repart
à fond alors que le cœur n’est pas encore descendu de l’effort précédent. Envi
de vomir, plus de souffle, épuisement, voilà ce qu’on vit. Je n’ai jamais rien
fait d’aussi difficile. Les tours s’enchaînent, on finit par ne plus réfléchir,
le cerveau passe en automatique. Sur un passage de relais j’ai tout à coup
l’impression d’avoir raté le relais précédent et d’avoir tourné deux fois en
oubliant Thierry… Les tours s’enchaînent à une vitesse folle.
Thierry surgit de la côte
épuisé, je me lance en courant en évitant les concurrents qui sont en train de
passer le relais. On zigzague, on slalome en sprint… Thierry me tend la bécane,
je la saisis en courant et relance le sprint, le tout à 25/30Km/h. Ne pas
tomber, surtout ne pas tomber ni percuter quelqu’un. La foule est compacte
autour de nous, les autres relayeurs font aussi la même chose. C’est la partie
la plus délicate du parcours. Ensuite sous les encouragements de clan gaulois,
je repars à fond, fais le tour de la place (la
roue arrière glisse légèrement dans le virage) et me lance dans la descente
allongé sur la potence. Arrivé en bas il faut négocier le virage entre deux
plaques d’égouts traites. Un concurrent hollandais va se vautrer grave,
l’ambulance interviendra. Nous le verrons le soir les deux bras en écharpe et
le menton complètement bandé. Puis la côte à pousser à fond avant de surgir sur
les pavés où m’attend Philippe. Là je saute de la machine et tout en courant je
la tiens par la potence, lui donne, et dès qu’il est dessus, je le pousse de
toute mes forces pour l’aider à se lancer. Puis je repars me mettre en position
pour attendre Thierry 2’30’’ plus tard, etc …
Nous finissons 16/19 complètement épuisé devant la
deuxième équipe française.
L’Endurance
le Dimanche 9 Août
L’épreuve reine, celle qui va
clôturer ces trois jours. 37 Km à faire sur une boucle de 3,7km. Dès que le
premier finit ses dix tours, la course s’arrête et on finit le tour en cours.
Les 120 Trotteurs sont
alignés sur la large avenue. Les motards d’ouvertures sont en place ainsi que
le public venu nombreux. Ici c’est un sport national. L’ambiance est différente
de chez nous où nous passons pour des gentils cinglés. En Italie nous sommes
des sportifs respectés.
Départ à bloc bien entendu.
Nous grimpons la première côte plein pot (240m
de long pour14m de dénivelé) et
prenons une petite route qui serpente et ondule autour d’un lac. Il y a pleins
de côtes et de descentes. On revient au départ par la grande avenue et on
recommence. Je boucle le premier tour en 9’38’’ (23,04 de moyenne). J’attaque
le deuxième tour mais un gros coup de fatigue me prend. Je tente de faire bonne
figure mais je n’ai plus de jus. Je suis parti trop vite. Je boucle le deuxième
tour en 10’30’’(21,13). Pendant le troisième tour la forme revient. Je sens que
je peu pousser plus fort dans les côtes. Je cherche à bien récupérer dans
toutes les descentes. Je choisis les trajectoires aux petits oignons et vise
les portions d’ombres dès que je peux. La chaleur est plus facile à supporter.
Le troisième tour est bouclé en 10’42’’ (20,72). Pour le ravitaillement, je me
suis organisé avec Manon. Si j’ai besoin de quelque chose je lui demande en
passant et elle me le prépare pour le tour d’après. Je maintiens l‘allure dans
le quatrième en 10’32’’(21,05) et le 5ème en 10’33’’(21,01).
Difficile de faire plus régulier non ? D’autant que je n’ai pas de compteur.
Ces chiffres je les ais récupérés après l’arrivée. Dès le 6ème tour,
une Australienne me rattrape et me double. Je m’accroche et la remonte, la double. Elle reste dans ma roue, profite
d’un moment de faiblesse et me redouble. A mon tour de profiter fourbement d’un
intérieur de virage et sur un petit sprint je repasse devant. Nous allons jouer
à ce petit jeu pendant trois tours. Je finis par la lâcher à la dernière côte,
mais sur la fin elle me recolle. Le 7ème tour sera le plus lent en
11’15’’(19,72) car les élites passent comme des fous. Kai et sa bandes de
poursuivants nous ont déjà mit deux tours dans la vue (je parle pour moi et l’australienne). On se fait doubler sans
arrêt. Comme ils jouent la gagne, pas d’obstruction de notre part, on leur
laisse les meilleures trajectoires. On se pousse pour les laisser passer en les
encourageant.
Dernière ligne droite. Le
tour d’avant Thijza (arbitre officiel)
m’a annoncée « Last Lap ! ».
On se présente avec l’Australienne au début de l’Avenue. 200m plus loin, on
devine la ligne d’arrivée au milieu de la foule (Vu le monde présent, on se
croirait à l’arrivée d’une étape du tour). Je regarde ma compagne et lui
lance « Last sprint together ?
are you ok ? » « _yeah ! » «_ ok, you decide »
Elle hurle un « Now ! »
tonitruant et lâche les watts. Je fais de même et nous partons en apnée le long
de l’avenue comme des cinglés. Nous doublons même une Italienne qui nous avait
doublés avant le départ du sprint. Elle relâchait la pression quelques mètres
avant de franchir la ligne et s’est vue pourrir par deux fusées au dernier
moment. Un peu vexée quand même la minette…le dernier tour se fera en 10’46’’
(20,59)
Je boucle 8 tours. Je me classe 84/112 au général et
22/27 en vétéran en 1h24’38 soit 20,98 de moyenne.
Kai (bien
entendu) finit premier en 1h14’49 en 29,66 de moyenne.
Au final pour l’Eurocup, je passe à la 56ème
position (sur 117). Manon 2ème sur 5.
Au classement fil de l’eau depuis 2008 je suis
89/193.