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dimanche 12 juillet 2009

Vendargues - Cornus









12 Juillet. J’ai les épaules en feu. Mal aux pieds, aux mollets, aux cuisses, aux fesses, je suis fa-ti-gué. Je n’en peux plus. Mais qu’est ce que je fais là ? Je marche, pousse porte ma bécane depuis 3 heures. Je suis au bord de l’abandon. Mais qu’est ce que je fais là ? Je regarde ma carte. J’ai à peine fais la moitié de cette côte qui n’en finit pas. Une heure que je marche en poussant ma trottinette. J’ai mal partout. Mes reins me font souffrir, j’ai le dos en compote. Chaque pas me fait mal sous la plante des pieds. Et ce p… de sac qui pèse une tonne. Je n’y arriverai jamais. Je regarde le sommet, je vois les voitures loin, loin… il faut que je monte encore tout çà ? Je dois m’arrêter, me reposer et attendre que ça passe. Allez hop, ravitaillement obligatoire et pause à durée indéterminée sinon je craque.  Comment j’en suis arrivé là ?

La veille, départ de  Vendargues  à 7h30. Je rejoins  StMathieu-de-Trévier  par de longues pistes sous les pins, peu de marche. C’est très roulant. La température est correcte. Très agréable. Le porté du sac est déconcertant. Lourd aussi. Je me demande dès le début comment je vais tenir longtemps. Je découvre une nouvelle difficulté à chaque poussée : Relever le poids du corps sur la jambe d’appui avec 12 kg en plus. Pourtant j’ai pris le minimum, mais c’est encore trop lourd. Tente, sac de couchage, matelas, affaires de rechange, outils, la bouffe pour deux jours, les outils en cas de casse, le GPS, téléphone, appareil photo et mon portefeuille. Voilà ce que donne 12 Kg. Y’en a en trop… mais où ? D’autant que même en position basse ma Xh reste un modèle de hauteur, rien à voir avec le Racer de chez Kickbike. J’accumule donc les difficultés. Dès le départ je commence à avoir les cuisses et les mollets qui font actes de présence. Vite un gel anti-crampes et ne pas forcer. J’ai deux jours à tenir moi !!

J’arrive au pied du Pic St Lou. Je commence l‘ascension mais 5 minutes me suffisent à voir que c’est impossible. Portage obligatoire. Zut, je ne vais pas commencer par porter tout de même je suis venu pour pousser moi !! Demi tour et je prends une petite route qui contourne le Pic par le sud, vers 11h j’arrive à un village désert qui dort sous un soleil de plomb. Pas une âme qui vive. Village fantôme dont toutes les maisons sont proprettes et neuves. Etrange ambiance. Décor de cinéma où on attend les techniciens et acteurs? Je refais le plein d’eau et me ravitaille. Un peu de fraîcheur avant d’attaquer une route où il n’y aura pas d’ombre pendant plusieurs kilomètres. Une petite route de campagne droite qui n’en finit pas. On se croirait aux Etats Unis, une succession de lignes droites parfaite qui montent et descendent par vagues. Monotonie, monotonie. Sur ce genre de route, tu déconnectes ton esprit de la réalité et tu le laisses partir à sa guise. Je chante, me fais des films. Le temps passe plus vite Le soleil commence à taper fort. Je m’hydrate sans arrêt et finit par arriver à Viol-le-fort. 12h45, arrêt déjeuner.

Le GPS me donne :

Distance
Vitesse Max
Roulage
Moyenne Roulage
Arrêts
Moyenne Globale
40
41,2
3h45
10,9
1h35
7,6

                J’avale une bière d’un trait tellement j’ai soif. Après mon repas je plonge du nez, une petite sieste d’un quart d’heure à l’ombre.13h30 je repars frais et dispo. Il fait chaud et j’aime ça. J’ai relevé une piste sur les crêtes qui devrait me mener vers St-Guilhem le Désert mon étape du soir. Je prends donc cette piste en m’arrêtant souvent pour vérifier sur ma carte. Au début tout va bien, puis lentement le chemin ne suit pas la carte. La piste est pourrie, elle a l’air d’avoir été tracée il y a peu de temps. Impossible de rester sur la bécane en descente, je frôle le trial. Les montée et descentes sont courtes et violentes, ça touche partout. Je vérifie sur la carte, impossible, je ne suis pas sur la bonne piste. Je ne la « sens » pas cette piste, demi tour. Décidemment, la deuxième fois depuis ce matin !! Bon, nouveau plan B je reprend la route vers St-Guilhem. Je repère plus loin un autre chemin qui passe par une chapelle notée sur la carte comme curiosité. Enfin, je peux reprendre une belle piste roulante avec quelques descentes rapides. Je peux m’amuser. Une pause ravitaillement à la dite chapelle, à la fraîcheur des arbres. Je n’ai plus qu’une idée, foncer vers l’Hérault où je pourrai me baigner prêt du Pont du Diable. En effet, la piste rejoint directement une plage le long de la rivière. 16h, j’y arrive après être passé par un chemin à profil descendant à traver les vignes. Imaginez un peu la tête des touristes qui ont vu arriver un cinglé avec un sac à dos gigantesque sur une trottinette…. Je me désape et plouf !! Rhâââ …Lovely !! Je revis …. J’ai tellement faim que je sacrifie mon repas du soir à la place de  mon goûter. Pour mon quatre-heure je me tape donc une salade de nouilles .Tant pis, je mangerai au resto à St-Guilhem. Après ce rafraîchissement je reprends la route pour la fin d’étape de la journée. Là, après avoir avalé mon habituel demi cul-sec, je prends deux heures de repos complet. Après une grosse salade de crudités, je m’avance pour chercher un coin pour planter ma tente. Il est 19h30. La température est idéale. J’attaque la montée du cirque de l‘Infernet par le chemin de St Jacques de Compostelle. Une trottinette en pèlerinage ! C’est sûrement une première mondiale. J’ai devant moi 3Km de grimpette à 10% par un petit sentier où je dois régulièrement porter la trottinette pour passer les obstacles. A pied on ne s’en rendrait pas compte, mais là gulp ! Je monte doucement en cherchant un endroit où dormir. Je finis par trouver une avancée de rocher au dessus des falaises qui m’entourent. Un vaste espace de 1000 m2 environ au dessus du vide. Quelques mètres quarré de plat. L’idéal. Je me pose enfin. Je suis à 200 m au dessus du village de St-Guilhem. Presque au sommet. Au dessus de moi les falaises, autour de moi le vide et le cirque. Plus loin vers l’est je vois tous les plateaux au bout duquel il y a le Pic StLou dont je devine la pointe à l’horizon. C’est grandiose. Il ne manque plus que des chœurs Orthodoxes (les scènes de chasses de Voyage au bout de l’enfer pour les cinéphiles). Quant je pense que certains dépensent des fortunes pour aller au bout de monde et que moi j’ai ce spectacle pour moi tout seul. Le plus beau palace du monde qui m’ait réservé en exclusivité. 21h30 dodo. Se sentir intégré au monde ….. Je me rappelle les paroles de Sylvain Tesson (le voyageur-écrivain) qui parlait de vouloir se faire enterrer au pied d’un arbre afin qu’il puisse nourrir la terre après lui avoir tant pris. La boucle est bouclée. On rend ce qu’on a pris, on fait partie intégrante du même univers. Dans ces moments là on le ressent pleinement.

Le GPS me donne :

Distance
Vitesse Max
Roulage
Moyenne Roulage
Arrêts
Moyenne Globale
66
46,6
6h00
10,8
3h50
6,6



On est en plein zen-attitude, philosophie verte, retour vers la nature et pourtant on regarde encore son GPS. Paradoxe de l’être humain….

Réveil 6h, je tiens à démarrer tôt pour attaquer la suite de l’ascension. La journée d’hier fut chaude, aujourd’hui il est prévu encore plus chaud et  je serai sur les plateaux. Enfer assuré. Il fait tellement sec qu’il n’y a pas une goutte de rosée sur la toile de tente. Moi qui suis habitué aux réveils en haute montagne où tout est trempé, c’est très étrange. 6h30 nu devant les falaises avec le soleil levant qui leur donne une couleur orange/rose, je suis le premier homme sur terre, c’est extraordinaire.

7h00 je reprends ma montée et j’arrive rapidement au sommet. Toujours sur le chemin de St Jacques. Celui ci ondule sur le sommet, je peux enfin pousser. Par endroit je suis dans un tunnel végétal à l’ombre. Pas bête les pèlerins. Le chemin passe par les endroits les plus abrités du soleil. Je vois surgir le Mt St Baudille mon prochain objectif. Il culmine à 800m d’altitude. Je vais le gravir avec le soleil dans le dos. Mais il n’y aura pas d’ombre, le paysage est minéral. Sauf que … une fois encore je me trompe de route. Je suis sur une grande piste forestière qui doit permettre l’accès des pompiers, c’est une autoroute. Je file dans de grandes descentes, quelques côtes à pousser et ça repart en descente, fantastique. Du coup je rate mon intersection et me retrouve plusieurs kilomètres en aval de ce que j’avais prévu. Zut. J’ai alors le choix entre remonter par la route en poussant 3Km puis attaquer le sentier de 4km (450m de D+) en plein soleil ou me laisser glisser jusqu’au village d’Arboras et prendre la route du col du vent. Là se sera 8km à pousser mais à l’ombre. Il ne me reste qu’une gourde d’eau. J’assure et choisit Arboras. Je pourrai y faire le plein d’eau.

Et voilà comment je me retrouve dans cette côte épuisé, démoralisé et tout endolori.

Assis sur un rocher, je regarde les cyclistes passer. Ce col est un haut lieu des « pédalistes » de la région. Ca grimpe en suant sang et eau, ça descend à fond, j’ai mon spectacle. L’arrêt me fait du bien. Après un bon ravitaillement et du repos, le moral revient. Je vais la finir cette côte, en avant. Je reprends ma marche forcée pour vaincre ce col (703m) en 2h20. Je suis enfin sur le Larzac. Je peux pousser sur les quelques kilomètres qui m’amènent à StMartin-La-Vacquerie où je m’affale au « Larzac Café ».

Le GPS donne :

Distance
Vitesse Max
Roulage
Moyenne Roulage
Arrêts
Moyenne Globale
91
51
9h35
9,5
6h12
5,8

Une bière cul sec (comme d’hab !). Le patron du restau  m’a doublé dans la côte. « Ben alors vous estes là ? Chapeau ! » Il me fait une salade composée de crudité modèle « TRex », je n’avais jamais vu un monstre pareil. Je l’avale goulûment. Je reprends des forces et suis prêt à attaquer le final. Quelques kilomètres de routes sous le soleil pour la digestion puis j’arrive à StPierre de la Fage.

Voilà je suis devant mon graal. C’est pour ce genre de piste que je pousse depuis hier matin. Elle est là devant moi serpentant plein nord au milieu de rien. Pratiquement pas de végétation tellement c’est sec. Pas de bruit, même les cigales ont trop chaud. Devant moi une dizaine de kilomètre de vide. Un four où le soleil tape comme sur une enclume. Je repense à Laurence d’Arabie. Va savoir pourquoi. Moi qui rêve du Marathon des sables, je vais en avoir un tout petit aperçu, pas grand chose rien qu’une cacahuète. Je sais que c’est le secteur où je n’aurai pas de plan B. Pas de routes de dégagement. Si j’ai un problème physique ou mécanique, je préfère ne pas penser aux conséquences. Mais ce genre de paysage je m’y sens chez moi. Une partie de mes racines est dans ce désert (l’autre moitié étant chez les vikings). C’est mon terrain de jeux depuis tout petit. Ces causses je les ai traversés en moto d’enduro, puis en 4X4,  puis en VTT puis en courant, par des températures infernales en été et polaire en hiver (on y a noté -20° par endroit). Et je ne parle pas du vent quand il est de la partie. Nico, Thierry et Christian connaissent le coin, ils savent de quoi je parle. Maintenant c’est en  trottinette que je vais m’y frotter. Ce coté désertique a un avantage, je serai capable de couper en hors piste si le besoin s’en fait sentir. Ici on navigue à vue et j’en connais tous les pièges depuis toutes ces années. Il est 14h, il fait 34° à l’ombre, je m’engage dans le four avec excitation. J’ai une pêche énorme, mes trois gourdes pleines. Le Larzac n’a qu’à bien se tenir, j’arrive.

La difficulté sera à la hauteur de mes attentes. J’arrive à pousser pratiquement tout le temps ce qui maintient mon moral. Je ne vais pas vite mais au moins je ne marche pas. Le soleil me mord les bras. J’ai l‘impression littéralement de brûler. Je m’arrose les avant bras, la nuque et les jambes régulièrement. Je bois sans arrêt. Je me sens au top de ma forme, je jubile. Je fais super gaffe et je me régale du paysage. Aucuns signes de faiblesse physique. Je suis en train de réussir mon pari. Au milieu de cette fournaise je me sens dans mon élément. Le plateau me fait alors un cadeau de bienvenue : un léger vent arrière se lève. Que du bonheur je vous dis. J’ai envie de hurler tellement je suis content. Au bout de quelques kilomètres je traverse un hameau vide où surgit un chien pourri tout droit sorti d’un film de Romero « Le retour des chiens zombi ». Cette chose hideuse et moisie se jette sur ma roue arrière pour la mordre. Hé Ho !! Je ne vais quand même pas crever sur morsure ? Un petit sprint  et je le distance. Il n’arrive pas à me suivre le pauvre il suffoque sous la chaleur … Séance photos auprès de menhirs puis après une bonne heure j’arrive enfin au village qui marque la fin du désert. Celui ci accablé par la chaleur est vide. Je cherche un point d’eau. Je pose la bécane et voit un papy dans un jardinet. Lui parlant de l’objet de ma recherche, il me demande d’ou je viens. Quand je lui dis que la nuit dernière j’ai dormi à St-Guilhem, il me regarde avec des yeux ronds.

« Et vous marchez depuis ce matin ? Avec cette chaleur ? » « Mais pourquoi vous faites çà ? C’est un défi ? »

« _Non, non, juste pour voir si c’est possible c’est tout … »

Il reste sans voix et m’indique le robinet du village. Je peux enfin refaire le plein d’eau, j’étais à sec !!

Je reprends la route toujours sous la chaleur qui en plus maintenant est renvoyée par le goudron. Il me reste une vingtaine de kilomètres où je pousserai tranquillement en profitant du moindre faux plat descendant. J’ai toujours la forme, malgré des douleurs aux jambes et au dos. J’arrive à destination à 17h00.

 Au final


Distance
Vitesse Max
Roulage
Moyenne Roulage
Arrêts
Moyenne Globale
125 Km
51 Km/h
12h40
9,9 Km/h
8h
6,1 Km/h


Dénivelé positif cumulé : 2000 m.

Bien entendu dans les 8h d’arrêts ne sont pas comptés la nuit.