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dimanche 10 juin 2012

Open de France. Lyon.


Samedi matin. J’ai bien dormi. J’ouvre un œil, regarde le réveil : 7h. Merd..., merd…, merd…, c’est l’heure à laquelle j’avais prévu de partir. Debout à fond, déjeuner, dernier préparatifs à bloc, 7h45 je suis sur l’autoroute. Je DE-TES-TE partir à la bourre. Mais le coté positif c’est que j’ai dormis une heure de plus. Alors l’un dans l’autre, ça n’est pas si mal… J’arrive sur le site vers 10h15.

Fin juin, on prend les mêmes et on recommence. Les habitués de l’ « European-Circus » se sont donc retrouvés ce week-end de fin juin à Lyon. Ce rassemblement est à la fois une « concentration » (genre concentration motos) où compétiteurs, familles, amis se retrouvent pour passer le week-end ensemble et une épreuve sportive. On y retrouve donc nos amis allemand (Hans-Christian qui finit toujours dernier et qui vient avec ses bonnes bouteilles de vin rouge de chez lui), hollandais, slovaques (Talibor et sa femme : 1700 Km pour venir passer un week end avec nous !!), tchèques (mon éternel concurrent Karel, on finit toujours ensemble années après années), les Finlandais (tous les ex et actuels champions du monde) et tous les potes français. C’est LE rendez-vous pour les coureurs français. Les anciens sont tous là, pleins de petits nouveaux pointent leur nez. Nous sommes plus d’une soixantaine inscrits.
Les machines présentes sont toujours plus ou moins les mêmes. Kickbike, BCS, Kotska, Effendi, Zockra. La grande absente est la marque Footbike. On peut mesurer la qualité d’une machine à sa présence dans les paddocks…
Le week-end va être très chaud. En température et en tension. Outre le fait qu’on est content de se retrouver, la compétition est tout de même là. Certains sont affutés comme des sabres de samouraïs et viennent là pour « péter » un chrono, d’autres (dont moi) sont là pour participer quelque soit le résultat (ça n’empêche pas qu’on aime bien se tirer la bourre quand même). Au menu,  un contre la montre de 2,5Km, un 10Km, le Relais et un Marathon. J’ai prévu de participer aux deux premières courses, le Relais étant trop violent pour moi. Quant au marathon je me réserve de savoir si je le fait ou pas. On verra suivant les résultats du premier jour.
Après avoir salué tout le monde et récupéré ma plaque et mon « chips » (le truc électronique qui va calculer mon temps), je me renseigne sur le repas de midi. Je n’ai quasiment pas déjeuner et j’ai faim. Il me faut des forces pour cet aprèm. Et là, j’apprends qu’il n’y a rien de prévu…. Heu …. On me dit que je peux aller fouiller dans les frigos les restes du petit déjeuner mais c’est tout. Bon d’accord,  je compte sur les nouilles de la veille et en attendant je vais me « gaver » de petits pains au lait. On verra bien.

1er jour : Contre la montre  2,5Km 
12h50. On part dans l’ordre inverse des dossards (je suis le n°32) toutes les 10 secondes. Le parcours est le même depuis le début de cette épreuve il y a deux ans. Une piste parfaitement goudronnée qui serpente autours d’une petite forêt. Des lignes droites, des virages serrés, de la relance, deux mini-bosses, bref très technique et ludique. Le sol est bitumé, terrain de prédilection des machines surbaissées.
Je repère le circuit en poussant disons… à 60% de mon régime pour voir mon temps dans ses conditions : 7’30’’. Je vise donc la barre des 7’.
Départ officiel : 3, 2, 1…Je pars à bloc en poussant le plus vite possible. Dès la mi-parcours (environ 3’) je suis asphyxié. Je passe en mode « survie » et je finis à l’agonie avec une envie de vomir qui surgit passé la ligne d’arrivée. J’ai trop forcé. Et à froid en plus (malgré les 78°c au soleil).
Mon résultat : 6’22’’. Je fais une pointe à 32Km/h. Le meilleur, un jeune Hollandais en 4’58’’. Il se permet de battre le Roi Kai Immonen.
J’ai une bonne heure et demie avant la course suivante. Avec Thierry et un autre concurrent nous partageons le pique-nique d’Isabelle (« Merline ») et son mari. Force Pâté, Jambon et vin blanc. Un peu de dopage Bio ne fais pas de mal, vu ce qui nous attend. 
Anecdote : Le premier Français du contre la montre ne participera pas aux 10Km. La veille il a un peu trop arrosé sa première rencontre avec les Français. 5litres de bière au gin. Il a finit le contre la montre dans le camion des pompiers sous oxygène et direction l‘hôpital. Il reviendra dans l’après midi rassuré sur sa santé mais raté pour le 10Km…


1er jour : Critérium 10Km
Il est 14h30. Le soleil brûle. Les quelques zones d’ombres sont prises d’assaut. Il doit faire au bas mot dans les 35°c. Je bois sans arrêt. Le casse croûte m’a fait du bien mais tout à coup j’ai un gros doute. Extrême chaleur + vin blanc, c’est un cocktail explosif pour les crampes. D’autant que le run de tout à l’heure m’a laissé des traces quant aux sensations musculaires… 
On va tourner 4 fois sur la piste du contre la montre. Nous somme 59 au départ. Certains n’ont pas fait le contre la montre pour ne pas se pourrir. Je pars moins à bloc que tout à l’heure et je me mets immédiatement au rythme que je pense tenir. C'est-à-dire entre les 7’30 de l’entraînement et les 6’22 du contre la montre. Mon objectif étant moins de 30’, je garde un bon 22Km/h au compteur. A moi à tenir ce rythme sur les 10 bornes. Je suis avec mon tchèque  préféré Karel (mon éternelle doublure), Jean-Charles Quiniou (14ans le môme !) puis une paire d’autres. Le premier tour est fait pour prendre ses marques. On a tous le même rythme. Je le passe en 6’41’’. Deuxième tour, la fatigue pointe son nez mais c’est aussi le cas de mes voisins. On maintient l’allure. 6’41’’. Troisième tour, la fatigue s’accentue. Deux coureurs de notre groupe s’éloignent lentement. Je perds quelques secondes en arrêtant la poussée pour prendre une gorgée d’eau, mais j’en avais besoin. J’en propose d’ailleurs à Jean-Charles qui n’a pas de gourde. La chaleur est impressionnante. Le soleil tape très fort. Je suis toujours avec Jean Charles Quiniou et Karel. Le jeune Quiniou a une bécane magnifique préparée par son père. Une superbe bête de course « Si tu n’as pas un bon résultat, ton père m’as dit que tu aurais une trot rose « Hello Kitty »… » Eclat de rires de sa part, il sprinte en criant « Noooonnn…. ». Vers la fin du troisième tour j’entends un bruit bizarre derrière moi. Un raclement étrange. Une sonorité de roulements pourris. C’est Alexander le LongBoarder qui nous double. Et pas lentement !! Je regarde mon compteur, 24Km/h et il me prend facile 2Km/h… Il pousse bizarrement (pour nous bien sûr) avec une rotation du torse et des bras. Fichtre ! Qu’est-ce qu’il avance le gars !! Mais comment fait-il ? Je passe pour la troisième fois devant le Chronos en 6’55’’. 
Dernier tour. Quelques secondes après mon passage, le premier arrive en 20’52’’. Je continue en cherchant à être bien régulier. Je dois rester dans mon rythme. En aurais-je assez pour pouvoir faire un sprint final ? Je colle mes adversaires. Dans l’ordre : Jean-Charles, Karel et moi. Dernière ligne droite. Plus qu’une centaine de mètres. J’accélère le rythme, passe le tchèque, ré-accélère, arrive au niveau de Jean-Charles et lui hurle « Vas-y sprinte ou je te passe !! ». Pendant les quelques secondes de sprint je vais le pousser dans ses retranchements en lui criant dessus « Pousse, pousse, Go, Go !! ». Il s’arrache comme un fou et  me devance sur la ligne d’un centième se seconde… Je finis en 27’39’’720’’’ (dernier tour en 7’09’’) et lui en 27’39’’600’’’ !! Je suis super content, je « perd » 3 secondes en deux ans sans aucun entraînement. D’autant que je n’avais pas touché à ma bécane depuis fin Janvier pour le Ventoux.
Le soir, grosse ambiance et gros repas. Nous sommes installés au bord du Lac avec une vue magnifique. Idyllique. Malgré la chaleur toujours présente on dévore comme des ogres avec moulte bières. Dodo à 23h mort de fatigue avec début de migraine suite à l’effort.

2ème jour : Marathon

6h. Le soleil tape sur la tente. A l’intérieur il y fait grand jour. Je me lève après une bonne nuit et m’avance vers la table géante du petit déjeuner. Luc est déjà debout et met la table. Nous somme rejoint peu à peu par tout le staff français. A 7h, tous le monde est là, les étrangers sortent de leurs tentes de ci de là. Je ne ferai pas le Marathon et vais me joindre aux bénévoles (50 en tout) pour garder la route. La course est un circuit de 8Km à parcourir 5 fois. A chaque tour, plus de 150m de dénivelé. En tout c’est presque 800m que les coureurs auront dans les jambes. 
Christophe nous place sur un passage très dangereux. Il s’agit d’un double virage en angle droit. Un gauche, puis 50mètres de descente à 15% dans le gravier puis un droit. Nous balayons la piste afin de la sécuriser. Les graviers sont mis de coté. Avec la petite Kotska de Thierry nous prenons différentes trajectoires de la descente pour  être sur de notre coup. Nous posons des cônes de chantiers devant chaque piège (poteaux électrique, muret). Je me poste au sommet devant le premier virage et Thierry en bas devant le second. Nous attendons la meute. A chaque passage, je fais de grands signes pour les faire ralentir. Dès qu’ils surgissent dans la pente, Thierry en bas fait de même. Les passages sont de plus en plus rapides. Lors de la première boucle, tout le monde est passé doucement, debout sur les freins, un pied par terre en raclant pour ralentir. Le seul à la passer intégralement à pied est le LongBoarder. Trop dangereux. Puis au fur et à mesure des tours, les premiers sont passés de plus en plus vite. A l’arrière le freinage et la descente sont pris avec prudence mais devant, c’est sport de glisse. Les 5 premiers passent à bloc. Kai, Hannu, Luc sont impressionnants. Le pire de tous est Kai. Il arrive face à moi allongé en recherche de vitesse, tourne sans freiner, « enquille » la descente sans la moindre notion de freinage et prend l’angle droit du bas dans une trajectoire parfaite. Le tout dans une sensation de fluidité et de maîtrise de la machine qui laisse sans voix. Je repense alors que la Finlande a donné comme champion Haari Vatanen, Kimi Raikonen. Ils ont le sens de la trajectoire dans les gênes. Hannu utilise la même technique en légèrement moins rapide. Mais ce qui devait arriver arriva… Au troisième passage, alors qu’il se bagarre avec Hannu pour la deuxième place et qu’il est talonné par un jeune Tchèque, Luc rate son virage en bas et chute de tout son long. Pomette éclatée, menton ouvert (plusieurs points), épaule et bras grandement tuméfié (brûlure au second degré). Du sang partout. Il se relève et veut repartir. Thierry et moi tentons de l’en empêcher, il a du sang partout, tourne sur lui-même, complètement désorienté il veut repartir à contre sens. Il finit par nous fausser compagnie et repars à fond. On est inquiet. Je remonte à mon poste en courant et maintenant gueule après les concurrents qu’une chute a eu lieu « Somebody fall down, slow, slow !! ». Ca calme pas mal d’ardeurs !
Il n’y aura plus de chutes. Luc va repasser en troisième position pour son tour suivant. Il a l’air d’avoir la forme (malgré sa gueule et son bras en sang). Ouf…

Le vainqueur (Kai bien sûr…) en 1h38’01’’. Sur le podium à la remise des prix, apprenant que Luc s’est vautré gravement alors qu’il était en train de revenir sur lui et que cette chute lui a fait perdre la deuxième place, Hannu considérant que Luc aurait pu le gagner, échange sa deuxième place avec lui et prend la troisième. Grandeur de la Finlande !
Voilà, le week-end est terminé. On sort des frigos de quoi faire un dernier buffet froid et en grignotant autour d’un verre on refait les courses. Beaucoup sont en train de plier leurs tentes, ils ont pas mal de bornes à faire (1700 pour les slovaques). En discutant avec Dalibor le Slovaque, grand habitué des épreuves de l’Eurocup, il me dit qu’en France nous avons la meilleure bouffe, le plus beau site pour mettre les tentes, les plus beaux parcours et surtout le marathon le plus dur, le plus technique de tous les Européens. Et ça, il aime ! Tout comme les Finlandais qui ont vraiment beaucoup aimé la difficulté de la journée. Plus c’est dur, plus ils sont bons. Je fais le tour de tous les concurrents encore présents et je leur dit au-revoir, (See you in Germany !). Un dernier papotage avec les amis et zou, je rentre à la maison.

dimanche 22 janvier 2012

Mont Ventoux


Trois voies sont réalisables. Sault, la plus longue et la plus facile par l’Est. Malaucène, la plus courte au dénivelé inégal par le Nord et Bédoin, la plus difficile par le Sud. C’est cette dernière que je tente. Quitte à faire le Ventoux autant prendre celle-là. Si je ne le fais qu’une fois dans ma vie j’aurais pris la voie royale. D’autant que comme le dit le proverbe : « Si plusieurs chemins s’offrent à toi choisit le plus difficile, c’est celui où il y a le moins de monde ». Le dénivelé est en moyenne de 7% avec des passages à plus de 10%. Sachant que ma limite haute est de 6%, à priori, je ne vais pas pouvoir faire grand-chose. Ce qui me motive d’autant plus. L’année dernière Luc (le grand champion de la discipline en France) a poussé jusqu’au sommet en moins de 2 heures, Sébastien et Carole (d'autres champions) sous la barre des 3h.Mieux que la plupart des cyclistes qui tentent l’aventure.  Mais ce sont les meilleurs trotteurs français. Conclusion : Et d’une c’est faisable en trot, et de deux, jaloux comme je suis, pas question de leur laisser l’exclusivité d’avoir accroché le Ventoux à leur tableau de chasse. Quitte à marcher ou à courir les ¾ de la montée, je vais me le faire. Et comme je suis joueur, je choisis la pire période de l’année quant aux conditions: Fin Janvier ! Comme ça je vais justifier mon temps minable…Et puis il me nargue depuis pas mal d’années. Je le vois de toute sa masse chaque fois que je prends l’autoroute, j’ai dû annuler trois fois son ascension au dernier moment pour des problèmes de météo  et de disponibilité. Là il fait beau, j’ai la dispo, bref comme on dit dans l’aérospatiale, il y a une fenêtre de tir. Ne la ratons pas.

Si je fais du 5Km/h de moyenne (que je marche, courre ou pousse) je devrais mettre dans les 4h. La moitié d’un Millau, fastoche non ? Reste des paramètres inconnus : L’altitude, on monte à 1900m !, le vent, (on passe le col des tempêtes) il peut-être infernal (record au sommet en 1967 : 320Km/h) et le froid. Ce dernier je sais le gérer. Pour le reste on verra, je m’adapterai. La route aussi. A priori elle serait fermée l’hiver à partir du Chalet Reynard, soit 6 Km avant le sommet. Je verrai si je peux passer sinon ça me donnera une bonne raison pour abandonner avant la fin.

Le parcours : De Bédoin (Alt 350m)  jusqu’à St Estèphe (Alt 540m) 5Km de pente douce, histoire de se mettre en jambe. Là on attaque 10Km jusqu’au Chalet Reynard (Alt 1400m), soit 1000m de dénivelé, le calcul est simple : 10%. Il va donc y avoir 10 Km d’enfer. Du Chalet au sommet, 6Km où l’on prend 500m de dénivelé. Le final est presque une ballade vu ce que l’on a passé…

Cette introduction a été écrite quelques jours avant l’affrontement (car s’en est un). Maintenant place au jour J :

            Evidemment ça ne s’est pas exactement passé comme je le pensais…
                La montée

Dimanche 22 janvier, 9h30 du matin, je lance mes premières poussées sur la D974 en direction du Ventoux. Coté technique, j’ai équipé ma Racer de deux gourdes d’eau, j’ai avec moi de quoi grignoter, je me suis chargé à minima. J’ai quand même mon appareil photo pour immortaliser la chose. Coté tenue, je suis en équipement grand froid. Coté physique, je n’ai pas plus d’entraînement qu’à l’habitude. Mais j’ai mon secret : J’ai mangé des pâtes hier soir !

Il fait 13° au départ mais il y a un grand vent. Je démarre équipé complètement, il ne fait pas chaud. Les 5 premiers kilomètres d’approche sont en fait plus « pentus » que je ne le pensais. Il y a même un passage à 8%. Le vent tourne dans tous les sens avec néanmoins une tendance par l’arrière. Je tiens un petit 12 Km/h. Comme un oignon, j’enlève petit à petit mes couches, accroche mon casque à mon guidon mais je garde le bonnet, le vent reste froid. Enfin St-Estèphe et son fameux virage qui marque le début de l’ascension. Pose nutrition et étirement.



Distance
Vitesse Max
Roulage
Moyenne Roulage
Arrêts
Moyenne Globale
6 Km
20,7 Km/h
31’
11,6Km/h
5’
9,9 Km/h


 Je marche quelques temps pour voir comment se situe le dénivelé. Gulp… Même en marchant ça grimpe. Je tente une poussée mais je dépense une énergie folle pour une vitesse de 6/7 Km/h. Je préfère marcher un peu en attendant que ce soit poussable. Je tiens un 5Km/h, alors autant rester comme çà. Je passe mon temps à mettre ma cagoule, mon blouson, puis enlever ma cagoule, mon blouson. J’ouvre mon blouson, un coup de vent glacé, je le referme… J’ai chaud, j’ai froid c’est n’importe quoi. Une ligne droite, je tente une poussé, je dérape ! Le sol est humide à souhait, mes chaussures dérapent, je fais du sur place. Bon, j’attends et je marche encore. Je retente en posant le pied d’appui à l’endroit où le bitume à l’air plus sec. Je suis à 7/8 Km/h, mais une rafale me stoppe net. Et merde… Pendant les dix kilomètres qui me séparent du Chalet, je vais pratiquement marcher tout le temps. Impossible de démarrer la moindre poussée. Ca glisse et il fait froid.

Un grondement s’élève au loin. Il grandit de plus en plus. Surgit du virage derrière moi une Audi R8 (pour les ignares, c’est un truc genre Ferrari, aussi rare, large, bas et puissant mais fabriqué par Audi) qui passe à toute allure et disparaît au virage suivant. Faudra que j’en parle au papa d’Elisa (cherchez pas à comprendre c’est perso…).  Le silence reprend ses droits doucement. Quant à moi, je reprends ma marche. Et dire que ce mec va monter en une dizaine de minutes (record absolue de la montée en voiture : 6’ et quelques…).



Distance
Vitesse Max
Roulage/dont marche
Moyenne Roulage
Arrêts
Moyenne Globale
10 Km
20,7 Km/h
1h16 / 40’
7,9 Km/h
14’
6,6 Km/h



A chaque arrêt, j’en profite pour me ravitailler avec forces gels énergétiques et je bois beaucoup. A mi pente, la forêt se fait moins dense, on voit apparaître le sommet. L’humidité du sol disparaît laissant place aux rafales de vent. Toujours pas la peine de pousser. De temps en temps j’arrive à lancer la bécane quand je sens que le dénivelé diminue, mais une centaine de mètres plus loin, le % aidé par le vent m’arrête. Alors je marche et je repense à mon pote" Dexter" qui disait qu’on est là pour le paysage. Profitons en et mettons nous en plein les mirettes. Les alentours sont magnifiques, le ciel est bleu, le soleil brille. C’est déjà ça. Un seul cycliste me doublera très lentement pendant l’ascension. (c’est d’ailleurs le seul que je verrai de la journée) Il a un BTWIN basique. On papote en avançant ensemble. Il a tenté de le faire hier, trop de vent au sommet, alors il retente aujourd’hui. Pendant 5 mn, j’oublie mes crampes qui veulent se déclencher. Il s’éloigne lentement.

Chalet Reynard. 2h50’. J’y arrive en poussant avec le vent de face.



Distance
Vitesse Max
Roulage/dont marche
Moyenne Roulage
Arrêts
Moyenne Globale
15,6 Km
20,7 Km/h
2h21 / 1h40’
6,6 Km/h
28’
5,5 Km/h




Je me prends une pose en essayant de trouver un coin protégé du vent qui tourne dans tous les sens ce fourbe. Il fait toujours froid et je reste bien habillé. Je m’enfile la moitié des gâteaux que j’avais prévus, une compote et un gel énergisant. Je prends  10’ de repos complet et repart pour la dernière partie. 6Km et 500m de dénivelé positif. Maintenant le paysage est désertique. Lunaire. La route est à flanc de montagne, la vision s’étend jusqu’à la mer. Dès le début, étant protégé du vent, je peux pousser un peu. Mais au premier virage une rafale me stoppe. Je reprends la poussée, elle me re-stoppe. Ok j’ai compris je marche. La neige a fait son apparition. Le bord de la route est recouvert de « névés » et la route est traversée par des petites mares. La neige fond. La t° est donc positive mais le vent est glacial. L’altitude (on est entre 1400 et 1900 et ça monte vite) m’oblige à respirer plus profondément. Je n’arrive pas à respirer à fond par la bouche mon masque me gêne. Je l’enlève quand il n’y a pas de vent, le remet lors des rafales, etc … Mon cycliste de tout à l’heure surgit. « Je n’ai pas pu arriver au sommet. Je me suis fait jeter par terre au col, c’est trop dangereux, je redescends, bon courage et fais gaffe ». Une rafale m’arrive dans le dos et me pousse sur 50 mètre en pleine côte à 6%. Génial ! Mais elle tourne et me stoppe net. Bou-ou-ou… En marchant face au vent je regarde mon GPS. 3Km/h !! Je passe au niveau des stèles des deux cyclistes décédés lors d’une course à cet endroit. Le plus connu des deux finira sa carrière professionnelle lors d’un tour de France à cet endroit. 

Le vent est de plus en plus fort. Les rafales m’empêchent par moment de marcher. La dernière ligne droite avant le col. Il est devant moi. Le vent augmente, il hurle, c’est assourdissant. Une rafale plus forte me fait perdre l’équilibre. Je me rattrape de justesse et reste figé un genou au sol dans la position du sprinter dans les starting blocs. J’ai le col devant moi à 100m. Je mettrais 5mn à parcourir la distance courbé, avec parfois une main au sol. J’avance pas à pas en trainant la Racer. J’arrive enfin et me jette contre le muret dos au vent. 4h16’.



Distance
Vitesse Max
Roulage/dont marche
Moyenne Roulage
Arrêts
Moyenne Globale
Dénivelé positif
21,1 Km
20,7 Km/h
3h23 / 2h35’
6,2 Km/h
51’
5 Km/h
1500m




Je n’irai pas plus loin. Je reste à 1800m d’altitude. Les 650 derniers mètres avant le sommet sont impossibles à faire dans ses conditions. J’ai eu la trouille. La vraie. Pas longtemps mais quelques secondes de vraie peur. Celle où tu te sent dépassé, tu ne maîtrise rien. Je me suis fais soulever comme un fétu de paille et projeté en arrière sans pouvoir m’accrocher à quoi que ce soit. Et derrière il y a le vide… La peur étant la meilleure des assurances vie, j’arrête là. Je fais demi-tour. Je l’aurai une prochaine fois. Blotti contre mon muret j’entends le vent qui hurle au dessus de moi. J’ai un réacteur de 747 lancé à fond à quelques mètres de moi. On dirait une bête sauvage hyper agressive. Je me sens tout petit. Là où je suis elle ne me voit pas. Je passe lentement la tête de l’autre coté du mur pour apercevoir le monstre en me tenant par précaution à un poteau. De l’autre coté, il fait très beau, on voit les Alpes au loin. Paradoxal, l’image ne correspond pas au son. J’ai une bande son de film catastrophe/horreur et l’image de la petite maison dans la prairie. Les nuages passent par le col et accélèrent prenant celui-ci comme un tremplin. Ils sont projetés au dessus de moi et retombent de mon coté en se disloquant et en reprenant une autre forme. Poésie de la tempête. Les nuages jouent. C’est peut-être leur Skate park ? Tiens, il y a un cumulo-nimbus qui vient de « rentrer » un superbe « Tail-win ». Et là un stratus qui tente un « back flip ». Bien joué ! Ouaw, un cumulus vient de rater un 360°. Superbe saut,  mais il s’est vautré. Il ne ressemble plus à rien maintenant. Après quelques minutes de spectacle, il va falloir que je m’éclipse de leur terrain de jeu.

La descente

Toujours courbé, je reprends le couloir dans l’autre sens. Le vent me pousse dans le dos en hurlant « CASSE TOI, ON VEUT PAS DE TOI ICI !! ». Je résiste pour ne pas partir en courant. Je tomberais. J’ai le pack  du  XV de France qui me pousse dans le dos… Avec la vitesse je glisse sur le sol mouillé. Et passé le virage, le vent s’arrête. Comme un chien qui te poursuit toutes mâchoires dehors et qui s’arrête net quand il considère que tu as franchis sa limite territoriale. Il te regarde droit dans les yeux et semble te dire : « Ne franchit pas cette limite, sinon je te bouffe. Je ne t’ai pas eu cette fois –ci, je ne te raterai pas la prochaine foi ». Avec un homme au moins on peut négocier. Pas là. La descente va s’avérer délicate. Jusqu’au Chalet je vais subir les vents tourbillonnants et même me faire arrêter en pleine descente (à l’endroit ou le vent m’avais poussé dans le dos lors de la montée). Les mains sur les freins je descends entre 20 et 30Km/h en prenant des coups de coté, devant, derrière, je me concentre et tiens le guidon de toutes mes forces. Mes pieds se font tremper  à cause des remontée d’eau (vous savez, les petits ruisseaux dont je parlais tout à l’heure), manquait plus que ça, les pieds mouillés…J’ai les freins à blocs sinon je partirai plein pot. Tu penses 6 à 7% de pente, la bécane ne demande qu’à accélérer … Je passe le virage du Chalet dans le plus pur style glisse-skate, le corps déhanché à l’intérieur du virage à 40Km/h. Superbe ! Je plonge dans la forêt où je retrouve le sol humide. Attention aux virages, pas trop vite, d’autant que la route n’est pas fermée et que je croise des voitures et  des motos. Je ne peux pas choisir les trajectoires idéales. Je reste debout les mains sur les freins et reste à 50/55 Km/h (max atteint : 65Km/h) dans les lignes droites. Je n’ai presque plus de freins d’ailleurs. Ces V-Brakes sont vraiment de la merde sur des côtes si longues. Je revois tous les coins où je me suis arrêté tout à l’heure, où j’ai galéré. Maintenant c’est très rapide. Je revis ma montée à l’envers et en accéléré. Marrant comme sensation. Je repense à Dexter qui a poursuivi un cycliste à 80Km/h. Dans d’autres conditions bien sûr, mais à ma vitesse c’est déjà assez rapide, alors à 80Km/h même dans des conditions idéales, ce doit être impressionnant à vivre. Les rafales tournantes font « guidoner » atrocement la bécane. Je m’arrête vérifier le serrage de la roue avant, l’alignement des freins. Il ne faudrait  pas que je me vautre à cette allure. Tout va bien, je repars tranquillisé.  Je suis obligé de bloquer le cadre avec mes genoux et de m’allonger sur le guidon. La bécane ne bouge plus, mais elle accélère et je dois d’autant plus freiner. Avec la vitesse maintenant j’ai un peu froid surtout aux pieds, mais pas le temps d’y penser, je suis trop concentré. Arrivée au virage de St-Estèphe en 35’ avec une moyenne de 40Km/h pile. Je reprends les 5 derniers kilomètres en pente douce mais avec le vent de face. Il me faut pousser pour maintenir un bon 25 Km/h. Arrivée à Bédoin. C’est fini. Je jette la bécane et mon sac dans la voiture, mets le chauffage à fond  (sur les pieds) et rentre m’effondrer chez moi. Au final (et qui n’a aucune signification) j’ai couvert les 42Km aller-retour en 5h soit 8,4 Km/h de moyenne.



Distance
Vitesse Max
Roulage
Moyenne Roulage
Arrêts
Moyenne Globale
21 Km
65 Km/h
36’
34,9 Km/h
8’
28,2 Km/h


Un dicton provençal dit : « N’est pas fou celui qui monte au Ventoux, est fou celui qui y retourne ». Alors je suis totalement cinglé parce que  maintenant j’ai un compte à régler avec l’animal. La prochaine fois ce sera par Malaucène ou Sault, mais le cerbère là-haut qui garde le sommet, j’attendrai qu’il dorme …


Profil en % de la montée, kilomètre par kilomètre :


2.5
3.9
4.8
5.9
5.4
6.3*
9.4
10
10.7
9.6
9.7
10
9.2
10.1
6.7
7.1
6.7**
7.8
7.4
8.9
10.1

* :St Estèphe
** Chalet Reynard